Archives départementales de l'Indre

1400 - Réparations à l'église de Neuvy-Saint-Sépulchre

De l'église collégiale à l'église paroissiale

L'église de Neuvy-Saint-Sépuchre, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques, présente la particularité d'être construite à l'imitation du Saint-Sépulcre de Jérusalem, avec une majestueuse nef centrale de plan circulaire. Il s'agissait à l'origine d'une église collégiale dédiée à l'apôtre saint Jacques le Majeur, qui fut construite au XIe siècle à l'initiative de plusieurs seigneurs des environs, parmi lesquels Eudes de Déols. L'église reçut, au XIIIe siècle, plusieurs reliques provenant de Terre Sainte (un fragment du tombeau du Christ et trois gouttes du Précieux-Sang). Elle devint dès lors l'un des jalons du chemin de Saint-Jacques dit "route de Vézelay". Devenue église paroissiale en 1808, la basilique de Neuvy-Saint-Sépulchre a été classée au titre des monuments historiques dès 1847.

Sépulcre ou sépulchre ?

Pourquoi écrit-on "Sépulchre" dans "Neuvy-Saint-Sépulchre" et "Sépulcre" lorsque l'on se réfère au Saint-Sépulcre de Jérusalem ?

Le terme "sépulcre" provient du latin sepulcrum (tombeau), et s'écrit donc sans "h", ce dès le Moyen Âge.

Dans le cas de Neuvy, l'ajout du "h" fait allusion au terme latin pulcher (beau), créant ainsi une sorte de mot-valise associant sepulcrum et pulcher. Le Moyen Âge est friand d'étymologies, souvent fantaisistes. L'ajout de ce "h" qui introduit une fausse référence étymologique à la notion de beauté dans le terme "sépulcre", ne pouvait que conférer davantage de majesté et de prestige à l'église de Neuvy !

L'effondrement des voûtes

Les Archives départementales de l'Indre conservent, dans le fonds du chapitre collégial Saint-Jacques le Majeur de Neuvy-Saint-Sépulchre, un intéressant document relatant les circonstances de l'effondrement des voûtes de l'église, survenu vers 1360, au coeur de la guerre de Cent Ans. Daté de 1400, il est postérieur de plusieurs décennies aux faits : c'est la levée sur les paroissiens de Neuvy d'un impôt destiné à financer les réparations nécessaires qui nous vaut en effet de connaître le déroulement de l'événement.

Il est en effet indiqué que, "à cause des guerres", les parroissiens de Neuvy entreprirent de fortifier l'église afin de pouvoir s'y retrancher lors de passage de troupes ennemies. L'église était en effet certainement, en l'absence à proximité d'un château, l'édifice le plus solide du bourg. La notion d'asile associée aux bâtiments ecclésiastiques explique également que l'on y cherche refuge. Les habitants percèrent les murs et apportèrent plusieurs modifications architecturales. Ils s'installèrent ensuite dans l'église, et plus particulièrement au sommet des voûtes, dans le vaste espace séparant celles-ci de la toiture. Désireux de protéger leurs biens du pillage, ils y stockèrent huches, arches (coffres), lits, blé et plus généralement toutes leurs possessions, tant et si bien que les voûtes cédèrent, entraînant à leur suite le mur pignon.

Devant le risque d'un effondrement complet de l'édifice, les chanoines de Neuvy demandèrent au roi Charles VI de faire lever un impôt destiner à financer les travaux de reconstruction, ce que le roi accepta le 19 novembre 1399 par un acte dont le contenu est reproduit dans le document conservé aux Archives départementales.Il s'agit de la première partie du document retranscrit ci-dessous, qui apporte de nombreuses informations sur les circonstances de l'effondrement. La seconde partie de ce document contient l'acte, daté du 28 janvier 1399, qui établit, en vertu du précédent, la levée d'un impôt (taille) d'un montant de 80 livres pour financier les "réparations nécessaires".

Mais au fait, comment un document daté du début de l'année 1399 peut-il faire référence à un acte daté de la fin de cette même année ? S'agit-il d'une erreur dans la datation du document ? L'explication tient en fait dans le calendrier julien, en usage au Moyen Âge et jusque dans la seconde moitié du XVIe siècle, où il est progressivement remplacé par le calendrier grégorien (notre calendrier actuel). Dans le calendrier julien, le millésime change généralement à Pâques ou le 25 mars, jour de l'Annonciation. Le 28 janvier 1399 correspond donc, dans notre calendrier actuel, au 28 janvier 1400, ce qui explique cette apparente contradiction chronologique. C'est pourquoi le document est daté, dans la transcription ci-dessous, du 28 janvier 1400 "nouveau style", c'est-à-dire que sa datation a été transposée dans le calendrier grégorien.

 


Neuvy-Saint-Sépulchre, 28 janvier 1400 (nouveau style) - Archives départementales de l'Indre, original sur parchemin.

 

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Pierre de Luzy, lieutenant general de noble homme monsieur Guillaume de la Mote, chevalier le roy nostre seigneur, et son bailli de Saint-Pierre le Moustier des ressors et exempcions de Berry et d'Auvergne et commissaire du roy nostredict seigneur en ceste partie, salut. Comme les venerables prieur et chappitre de Neuvic Saint Sepulcre se soyent trais a la court de France, impetré et obtenu du roy nostre dict seigneur certains lettres royaulx, desquelles la teneur s'ensuit. « Charles, par la grace de Dieu roy de France, au bailli de Saint-Pierre le Moustier ou a son lieutenant, salut. De la partie de noz amés les prieur et chappitre de l'esglise colegial de Saint Sepulcre de Neuvy nous a esté exposé en complaignent que comme ladicte eglise enciennement ait esté fondee et faitte a la plus grant semblance et au plus pres que faire se povoit du Saint Sepulcre Nostre Seigneur qui est oultre mer, et pour ceste cause est appellee l'eglise de Saint Sepulcre de Neuvy, autour et pres de laquelle esglise pieça ayant esté fais et esdiffiez cloistres, maisons, celiers, greniers et autres esdiffices pour la demourance des chanoynes de la dicte esglize et depuis ycelle esglise estant ainsi esdiffiee et maisonnee les habitans dudict lieu et des paroches d'icellui, pour cause des guerres qui estoyent et regnoyent on dit pays eussent icelle fait fortiffier et galender de hourdis, et abatus tous iceulx ediffices, pour laquelle chose faire yceulx habitans firent parcier la muraille et couverture d'icelle eglise, et apres se y retrayient, et y firent faire plusieurs logis, et par especial sur les voultes d'icelle, lesquelles ilz chargerent tellement de huches, arches et autres choses necessaires pour leur vivre et menages que grant partie desdictes voultes en sont fondues et cheues, et le demourant en feust fondu et cheu pieça, ce ne fust le saintreis que lesdictz exposans ont fait faire soubz icelles voultes, et avec ce firent parcier iceulx habitans le grant pignon de ladicte eglise, tellement que pour cause d'icelle et desrompement de pierres neyves sur quoy ledict pignon estoit assis en faisant les foussés autour de la dicte eglise, ycellui pignon est cheu de hault jusques au bas, et si demoura toute descouverte es parties on ledict hourdeys avoit esté faict, et tellement que pour eviter et eschever a plus grant doumage et inconveniant il a convenu que lesdis exposans ayent fait faire le clocher d'icelle eglize et toute la charpenterie de ladicte eglise a leurs frais et despens, et encores se briefvement n'y est pourveu et que les murailles ne soyent reparees, tout cherra et yra a ruyne dedens brief temps et conbien que par la faulte et coulpe desdiz habitens qui abatirent et desrompirent lesdiz ediffices, parcerent ledict pignon et firent ce que dit est, ycelle eglise soit en tel estat comme dit est, neant moins obstant ce, et aussi qu'il se retrayient eulx et leurs biens, et ont fait depuis par plusieurs fois, et que lesdiz exposans n'ont de quoy refaire lesdictes reparacions, yceulx habitans sont reffusans, contredisans et en demeure de contribuer a icelles reparacions et esdiffices ja soit ce que par raison, veu et attendeu ce que dit est, tenus y soyent, qui est ou tres grant grieft, prejudice et doumage desdiz exposans et ou retardement et empeschement du service divin, et seroit plus ou temps a venir se par nous n'y estoit pourveu de remede convenable si comme il dient requerant ycellui, pour quoy nous ces choses considerees vous mandons, et pour ce que ladicte eglise est assise et lesdiz habitans demourans en vostre bailliage, et si estes nostre plus proche juge royal des parties et que de ceste mathiere touche l'esglise qui requiert celerité toutes faveurs cessans, commectons que se par informacion ou autrement, dehuement il vous appert de ce que dit est ou de tant qu'il doie souffire, contraingnés ou faittes contraindre viguereusement et sans desport lesdiz habitans dudict lieu et paroche de Neuvi a contribuer chascun selon sa possibilité et faculté aus reparacions neccessaires de ladicte esglize et ad ce commettés certain personne qui recouvre les deniers qui pour ceste cause seront levés desdiz habitans pour tourner et convertir en icelles reparacions et non ailleurs et qui en saiche rendre compte et reliqua quant mestier sera. Et se opposicion naist sur ce, faictes aus parties oyes sommement et de plain, bon et brief droit car ainsi nous plaist il estre fait non obstant quelconques lettres subreptices, empetrees ou a empetrer ad ce contraires. Donné a Rouen le XIXe jour de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX dix neuf et le XXe de nostre regne ». Et estoyent escriptes en marge dessoubz : « Par le roy a la relacion du conseil » et signé « J. Brechaut ».

Lesquelles lettres royaulx dessus transcriptes lesdiz venerables nous ont presentees et baillees et requis l'execution et enterinement d'icelles, par vertu desquelles nous fumes transportés a Neuvic Saint Sepulcre, et illec nous fumes informés de et sur le contenu en icelles, par laquelle informacion il nous est apparu lesdis habitans et parrossiens dudict lieu de Neuvic avoir fortiffiee et emparee ladicte eglise colegial et que pour ladicte fortifficacion et emparemens le grant pignon murailles et voultes d'icelles sont fondues et cheues, et que le cloistre d'iceulx venerables en a esté destruis et dessipés, et que lesdiz habitans et parrochians y sont retrays par le temps des guerres, eulx, leurs biens, blés, lis, et garnison de leurs menages, et pour ce lesdiz habitans et parrochiens avons fais appeller par devant nous, tant par crié comme autrement a cest jour d'huy, date de ces lettres, pour venir veoir l'enterinement et acomplissement desdictes lettres royaulx, auquel jourd'huy ausdiz habitans et parrochiens, ou la plus grant et saine partie d'iceulx, comparens par devant nous, ampres la lecture desdictes lettres faicte en leur presence, avons assis et imposé taille de la somme de quatre vins livres tournois pour tourner et convertir aux reparacions necessaires d'icelle eglise et non ailleurs, a quoy se sont consentis et obtemperé, pour laquelle taille faire et imposer sur un chacun selon sa possibilité et faculté avons, du consentement desdiz habitans et parrochiens ad ce presens et a leur requeste, commis et ordonné Jehan Hugon, Jehan Maubroigne, Jehan Denis et Jehan Richart, tant pour la ville comme pour la paroisse, lesquelx nous avons fait jurer aux Saintes Evangiles de Dieu que bien justement et loyaulment il feront, imposeront et assarront ladicte taille de quatre vins livres tournois sur un chacun desdiz habitans et parroissiens selon sa possibilité et faculté, appelé avec eulx Jehan Charbonnier, sergent du roy nostre seigneur, et pour icelle taille lever, cuillir, et recevoir ont esté esleus et ordonnés Jehan de la Beaulce et Pierre de la Ville aus Audiers, laquelle ilz ont promis lever et recevoir pour la somme de soixante solz tournois, lesquelx seront tenus d'en rendre compte et reliqua quant mestier sera, ausquelx Jehan Hugon, Jehan Maubroigne, Jehan Denis et Jehan Richart avons donné et par ces presentes donnons povoir, auctorité et mandement especial de faire imposer et asseoir ladicte taille de quatre vins livres tournois par la maniere que dessus est dit avecques loyaulx missions et despens qui pour ceste besoigne seront fais et aussi avons donné et donnons ausdiz collecteurs povoir et puissance de lever et recevoir ladicte taille d'un chacun selon son impost et assiette, et avec ce donnons en mandement par ces meismes lettres audict sergent du roy nostre seigneur ou au premier autre d'icelluy seigneur qui sur ce sera requis de contraindre les rebelles, contredisans et reffusans de paier ladicte taille ausdiz collecteurs un chacun selon son impost par prise, vente et expleictacion de leurs biens et autrement dehument de ce faire deument donnons povoir audict sergent. Ce fust fait audict lieu de Neuvic par nous, lieutenant dessusdit, et donné soubz nostre scel le mercredi XXVIIIe jour de janvier l'an mil CCC IIIIXX dix neuf.

[Seing manuel :] GERUBE.

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